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Obligation d’offrir un « service clientèle de proximité » : qu’en pense BRUGEL ?

Publié le: 13/09/2016 - Mis à jour le : 27/09/2016

Etude de BRUGEL sur la nécessité de mettre en place des services clientèles de proximité en Région de Bruxelles-Capitale.

Il y a quelques semaines, nous évoquions la potentielle obligation pour les fournisseurs responsables de plus de 10.000 points de fourniture de posséder un service clientèle de proximité (voir l’article ici). Nous expliquions que cette obligation prévue dans les ordonnances était conditionnée à la réalisation d’une étude par BRUGEL. En mars 2016, la Ministre bruxelloise de l’énergie a sollicité l’avis de BRUGEL concernant la mise en place de services clientèles de proximité en Région de Bruxelles-Capitale[1].

Résultats de l’étude

L’étude de BRUGEL se base sur un questionnaire envoyé aux fournisseurs, à Infor GazElec et à la TaskForce des CPAS. Nous vous en présentons ici, dans les grandes lignes, les conclusions[2] .

BRUGEL conseille de ne pas appliquer cette obligation de posséder un service clientèle de proximité. En effet, dans la conclusion de l’étude, BRUGEL « invite le législateur à abroger ces articles ou à les amender pour prévoir un seuil de points de fourniture supérieur ».

Selon BRUGEL, le coût qu’impliquerait la création de tels services de proximité serait trop important (400.000 € par service créé), serait répercuté par les fournisseurs sur les clients et signifierait dès lors, pour le consommateur, une augmentation non-négligeable de la facture d’énergie. De plus, BRUGEL s’interroge sur l’effectivité de cette mesure dans une optique de lutte contre la précarité énergétique. Les services de proximité tels que prévus parviendront-ils véritablement à toucher et mieux protéger les publics fragilisés?

BRUGEL propose dès lors des solutions alternatives. Une des propositions évoquées serait un « soutien financier et/ou humain à apporter à Infor GazElec », qui pourrait dès lors offrir ses services au plus grand nombre, par la multiplication d’antennes décentralisées. BRUGEL conseille aussi d’introduire la gratuité des numéros d’appels « fournisseurs » pour les clients.

Questionnements et pistes de réflexion

Bien que l’évaluation faite par BRUGEL nous semble parfaitement équilibrée quant à la prise en compte des besoins et intérêts tant des fournisseurs que des consommateurs, certains points de cette étude nous interpellent.

  1. Sécurité et service au client

L’évaluation du coût de la mise en place de services clientèles de proximité est chiffrée à 400.000€  par service, un montant relativement important donc. Ce coût estimé comprend notamment des frais de sécurité. Est-ce la norme de proposer d’office un gardiennage pour ce type de service aux clients ? Ne s’agirait-il pas ici d’une certaine obsession sécuritaire exagérément coûteuse au regard des risques réels encourus?

  1. Frais de fonctionnement et horaires

Toujours en ce qui concerne le coût de la mesure, les salaires et frais de fonctionnement occupent la plus grande part du budget. Or, il s’agit de frais prévus dans l’hypothèse d’ un service clientèle ouvert 5 jours sur 7, de 9h à 18h. Dès lors, nous imaginons que le coût pourrait être drastiquement réduit avec des horaires d’ouvertures plus modestes, aménagés proportionnellement aux nombres de points de fourniture desservis par chaque fournisseur.

  1. Confiance dans le Marché

Dans son rapport, BRUGEL mentionne que le nombre décroissant de plaintes auprès du Service de Médiation de l’Energie peut être l’indicateur d’une maturité des acteurs des marchés libéralisés du gaz et de l’électricité, de bien meilleures pratiques de ces derniers, et par conséquent d’un besoin amoindri de services de proximité. Cette interprétation nous parait audacieuse car, sur le terrain, nous constatons toujours autant de pratiques déloyales qu’auparavant. Nous pourrions tout aussi bien interpréter cette baisse des plaintes comme une complexification toujours plus grande des procédures administratives, une exclusion croissante des publics précaires ou comme une des conséquences de la surcharge de travail des services d’accompagnement.

Augmenter l’offre de soutien aux plus précaires

Nous croyons en l’extrême nécessité d’une possibilité d’échange « en personne », dans des antennes locales par exemple, pour le soutien aux personnes les plus précaires. L’ordonnance prévoyait les fonctions que ces services de proximité pourraient occuper. Il s’agissait par exemple pour le fournisseur de donner des explications sur la facture, recueillir une réclamation, ou la possibilité d’introduire un recours auprès du médiateur fédéral. Pour le Centre d’Appui SocialEnergie, ces fonctions sont essentielles et pourraient probablement permettre de diminuer le nombre de procédures de plaintes, en permettant au consommateur de mieux comprendre sa situation énergétique. C’est d’ailleurs ce que nous mettions en évidence dans cet article, publié en avril 2016.

Pour ces raisons, il ne nous semble pas opportun d’abroger la disposition légale. Cependant, certaines idées proposées par BRUGEL pourraient être exploitées. Le refinancement de l’associatif (comme BRUGEL le propose) ou des services publics (tels que les CPAS par exemple) pourrait être une piste intéressante pour permettre aux personnes fragilisées de ne pas se retrouver seules dans le dialogue avec le fournisseur. Nous pourrions alors même imaginer les services de proximité comme des lieux de négociations de plans de paiement entre le fournisseur et l’usager, accompagné d’un travailleur social.

Nous ne manquerons en tout cas pas d’informer les travailleurs sociaux des suites accordées à ce dossier.

[1] Sur la base de l’article 25 quattuordecies§5 de l’ordonnance électricité et de l’article 20 undecies§5 de l’ordonnance gaz, qui stipule que les « fournisseurs responsables de plus de 10 000 points de fourniture de gaz mettent à disposition de leurs clients au moins un service clientèle de proximité. »
[2] Pour lire l’étude au complet, voir ici.