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La précarité énergétique fait couler de l’encre

Mis à jour le : 16/05/2017

Il semble que la précarité énergétique et la façon de la combattre suscitent aujourd’hui nombre d’analyse, recherches, guides, articles et écrits variés. Nous avons sélectionné pour vous quelques sources récentes qui abordent cette thématique :

1. Précarité énergétique et dispositifs d’accompagnement :

A la demande du gouvernement wallon, le Réseau Wallon pour un Accès Durable à l’Energie (RWADE), le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté et l’asbl RTA ont mené une recherche sur les dispositifs d’accompagnement des publics en situation de précarité énergétique en Wallonie. Pour mener a bien cette recherche, le RWADE a interrogé des usagers mais aussi des intervenants sociaux et experts d’horizons divers.

Le rapport de recherche n’est pas encore disponible mais les premiers résultats ont été présentés lors d’un colloque le 27 avril dernier et voici déjà quelques enseignements que nous pouvons en tirer :

Précarité énergétique : une restriction du sens de la vie

Les restrictions très fortes (et  menant parfois à des comportements dangereux) que s’imposent les personnes en situation de précarité énergétiques dépassent largement l’aspect matériel. La précarité énergétique mène à une restriction du sens de la vie : sentiments de honte, isolement social, cause de disputes au sein du ménage, etc.

Les personnes en situation de précarité énergétique ont un risque accentué de se trouver dans un processus de « désaffiliation ». Elles intègrent une certaine résignation face à leur situation et n’accordent plus aucun crédit aux institutions et pouvoirs publics de telle sorte qu’il leur est difficile de demander de l’aide.

» Découvrir le témoignage d’un usager à ce propos : https://vimeo.com/200182449

Attentes des usagers en matière d’accompagnement

Les usagers interrogés témoignent d’un besoin de construire une relation humaine et participante avec les professionnels aidants. Ils souhaiteraient plus de décloisonnement et de transversalité entre les différents acteurs qu’ils sont amenés à rencontrer.

Quelques pistes concrètes pour agir dans le sens d’un accompagnement porteur de sens :

  • Ne pas mélanger l’aide et le contrôle
  • Assurer des connaissances stabilisées et des relations cohérentes entre les aides
  • Réaliser une analyse singulière de la situation, un travail approfondi.
    Cela nécessite évidemment du temps et les usagers sont bien conscients que souvent les moyens accordés aux travailleurs sociaux sont trop faibles face à l’ampleur de la tâche.
  • Offrir une aide concrète et adéquate
    Parfois plus de souplesse dans les dispositifs d’aide pourraient être souhaitable afin qu’ils correspondent aux besoins réels des usagers. Face à des situations complexes, il parait également inconcevable de généraliser des mécanismes de soutien : là où dans certains cas d’importants travaux de rénovation du logement seront indispensables, dans d’autres, quelques litres de mazout accordés seront la réponse adéquate.
  • Prendre en compte le capital symbolique
    Le capital symbolique est celui qui va permettre de mobiliser les autres types de capitaux (culturel, social, économique). L’aide en matière de capital symbolique doit viser à renforcer le pouvoir d’agir des individus et des groupes, renforcer le crédit dont les personnes peuvent disposer, renforcer la légitimité des usagers en tant qu’acteurs. En d’autres termes, il s’agit de rééquilibrer le rapport de force des différents acteurs dans le marché et de redonner du poids à la parole des usagers.
  • Prendre en compte la dimension collective de l’aide

Quelles réponses mettre en place face aux attentes des usagers?

Face à ces attentes, les professionnels ne sont pas sans ressource et peuvent mettre en place des stratégies qui y répondent. Ils sont d’ailleurs nombreux à s’inscrire déjà dans cette dynamique bien que celle-ci prenne du temps et des moyens. Les pouvoirs publics doivent aujourd’hui prendre conscience et comprendre cette conception de la relation d’aide et mettre en place les conditions favorables à sa réalisation.

Le professionnel doit décloisonner son regard et mieux connaitre les différents acteurs afin de travailler, avec l’usager, dans un véritable réseau local et sans logique hiérarchique. Ce travail en réseau est une alternative au guichet unique. Il est important de garder de nombreuses portes d’entrée pour l’usager afin qu’il puisse pousser celle avec laquelle il se sent le plus à l’aise, celle qu’il connait, ou celle avec laquelle il n’est pas en conflit. « La bonne porte d’entrée, c’est celle qui marche ». A ce titre, la mise en réseau et le partage d’outils entre les différentes entités d’aide est d’autant plus pertinente.

La nécessaire reconnaissance et le soutien des travailleurs sociaux dans leur action de défense des droits des usagers sont deux éléments qui apparaissent indispensables aux participants de la recherche.

2.  Mesures sociales fédérales concernant l’énergie :

Le SPP Intégration Sociale a publié en décembre 2016 un « Focus précarité énergétique ». Ce dossier détaille trois mesures fédérales qui visent à aider les personnes à faire face à leurs factures énergétiques : le fonds social Mazout, le Fonds Gaz Electricité et le tarif social gaz et électricité. Pour chaque mesure, le SPP IS présente des analyses statistiques sur l’utilisation de cette mesure, l’évolution de son utilisation, certaines données sur les publics ainsi que le détail de la répartition des différents fonds en fonction de la commune.

Le Focus rappelle (p.7) qu’ « En Belgique, 5,1% des ménages ont des arriérés de factures courantes. (…) Plus le risque de pauvreté est élevé, plus le risque d’avoir des arriérés de factures courantes sera élevé. Ainsi près d’un tiers (32,8%) des familles monoparentales en risque de pauvreté ont des arriérés de factures courantes. Dans la plupart des cas, ces factures concernent la fourniture de consommables (gaz/électricité/eau) ». Il ajoute que le nombre de dossiers transmis par les sociétés de distribution aux services de médiation a augmenté considérablement de 2008 à 2011, en imputant notamment cette hausse à la libéralisation du marché début 2007 et au surenchérissement de la facture énergétique.

Autre information statistique importante du Focus : le tarif social fédéral a été appliqué automatiquement à environ 460.000 contrats en 2016, soit 8,5% des ménages belges.

» Vous pouvez consulter ce dossier en cliquant sur ce lien.

3. La précarité énergétique ailleurs en Europe :

Bonnes pratiques dans la lutte contre la précarité énergétique

Le Réseau européen de lutte contre la pauvreté (EAPN) et le groupe Les Verts/Alliance libre européenne (groupe parlementaire européen composé des Verts et des représentants des nations sans état et des minorités défavorisées) ont publié un « guide de bonnes pratiques pour la lutte contre la précarité énergétique ». Il s’agit d’un recueil d’études de cas et d’exemples qui vise à inspirer les citoyens européens à mettre en place des projets pour combattre la précarité énergétique.

On y retrouve notamment le « Guichet Primes » mis en place par la commune de Saint-Josse-ten-Noode visant à renforcer le soutien aux propriétaires et aux commerçants tennoodois tentés par  des travaux de rénovation.

Les initiatives détaillées dans le guide sont variées et classées selon 6  thématiques :

  • Interventions de grandes ampleurs ;
  • Conseils énergie ;
  • Utilisation Rationnelle de l’Energie;
  • Comptage intelligent ;
  • Soutiens financiers aux ménages ;
  • Projets « bottom-up ».

Pour chaque projet sélectionné, le guide fait état de la méthodologie, des freins rencontrés et des facteurs de succès.

Nous vous relayons cette information car il nous semble pertinent d’avoir un regard sur ce qui se fait ailleurs. Néanmoins, nous émettons des réserves sur plusieurs projets  qui sont le fruit d’une conception de la lutte contre la pauvreté fondée sur une responsabilisation à outrance des ménages fragilisés, ce que nous ne pouvons pas cautionner. De plus, relayer des initiatives concernant l’appropriation par les publics fragilisés d’un compteur intelligent nous pose largement question. A la lecture du guide, certaines expériences dans ce dernier domaine semblent vouées à l’échec, ce qui nous conforte dans l’idée de la nécessité d’un débat public et démocratique sur la question des compteurs intelligents avant l’opérationnalisation de ceux-ci.

» Télécharger le guide « Good practices aiming to end energy poverty »

Froid dans le dos: un regard photographique sur la précarité énergétique

En France, la précarité énergétique se vit et se définit dans des conditions relativement similaires aux notre. Stéphanie Lacombe et Bruno Maresca ont réalisé un reportage photographique sur le thème de la précarité énergétique, dans le but de mieux appréhender cette réalité. Ils y dressent le portrait de plusieurs ménages qui sont autant de facettes de cette problématique. Entre photos, témoignages et analyse, il s’agit d’un reportage éclairant, bouleversant et mobilisant sur les situations vécues par les personnes en situation de précarité énergétique.

  » Voir le reportage