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« Electricité ou nouvelles lunettes ? Une personne sur cinq en Belgique est obligée de choisir ! » (Médecins du Monde)

Mis à jour le : 30/01/2020

C’est par ces mots que Médecins du Monde Belgique (MdM) lance, en décembre 2019, sa nouvelle et fondamentale campagne sur l’accès aux soins : « Les personnes ne disposant pas d’un revenu confortable ont de plus en plus de difficultés à nouer les deux bouts : alors qu’ils n’étaient que 1,4% parmi les revenus les plus bas à ne pas pouvoir subvenir aux dépenses de base en 2008, ce chiffre s’est élevé à 7,9% en 2016, selon un rapport de la Commission européenne paru cette année. « En 8 ans, les chiffres sont presque 6 fois supérieurs », commente Ri De Ridder, président de Médecins du Monde Belgique. « Ce qui est par ailleurs frappant, c’est qu’en Belgique, de plus en plus de personnes sont obligées de reporter des soins, alors qu’on observe la tendance inverse dans les autres pays européens. Cette difficulté d’accéder aux soins est aussi plus importante que dans les autres pays d’Europe. »1

Médecins du Monde, à l’instar des acteurs et intervenants sociaux luttant pour un accès à l’énergie pour tous, dénoncent l’insuffisance structurelle des revenus d’une part croissante de la population pour faire face aux dépenses essentielles à la dignité humaine. La santé comme l’énergie constituent des biens vitaux qui conditionnent le respect de cette dignité. Sans énergie, impossible de chauffer son logement, de se procurer de l’eau chaude pour la douche, de préparer le repas, d’allumer les lampes, de faire tourner la machine à laver,…

Nous souhaitons nous réapproprier le slogan de la campagne de MdM : « Lunettes ou électricité, deux questions de santé! »

En effet, se priver d’électricité/chauffage conduit à une précarité énergétique alors que les études montrent que celle-ci impacte gravement la santé tant mentale que physique de ceux qui la subissent.

Sur le plan psychique, elle augmente les sentiments d’isolement social et de honte ; les personnes frappées par la précarité énergétique évoquent le stress (lié tant au coût de l’énergie inabordable qu’à l’inconfort physique), la dépression (liée à l’inconfort), l’impossibilité d’inviter des gens chez soi en raison de la température ou de l’humidité d’où l’isolement social, et le sentiment d’impuissance face à ce problème majeur d’insécurité d’existences2.

Le Réseau wallon de lutte contre la Pauvreté a recueilli, en 2017, plusieurs témoignages qui attestent de l’atteinte portée aux corps suite à une privation d’énergie : « Se laver à l’eau froide en plein hiver on peut attraper des maladies. Aussi en hiver j’ai remarqué que vu le froid l’humidité augmentait, donc directement ça atteint les bronches, donc je commençais à tousser aussi, et j’ai fait plusieurs fois des rhumes, maux de gorge, etc. Ah oui, tout le temps dans le froid et bien ça porte des conséquences énormes. Et j’ai vu qu’ainsi il y a des fois c’est intenable de rester chez soi. (…)En tout cas je fais de l’arthrose, donc je suis très sensible au froid et à l’humidité, donc il y a tous les maux qui ressortent à ce moment-là. Donc les problèmes de santé sont là, et pour une coupure d’électricité on paye les conséquences nettement plus graves »3.

Il est désormais urgent de faire de la question de la précarité énergétique une problématique majeure de santé publique.

 

 

[1]https://medecinsdumonde.be/actualites-publications/actualites/1-belge-sur-5-ne-peut-pas-se-payer-de-soins-dentaires-ou-psy
[2] Parmi les recherches analysant l’impact de la précarité énergétique sur la santé mentale ou le bien-être :  Liddell, C., & Guiney, C. (2015), « Living in a cold and damp home: frameworks for understanding impacts on mental well-being », Public health, 129(3), 191-199 ; Anderson, W., White, V., & Finney, A. (2012), « Coping with low incomes and cold homes », Energy Policy, 49, 40-52 ; Liddell, C., & Morris, C. (2010), « Fuel poverty and human health: a review of recent evidence », Energy policy, 38(6), 2987-2997. Voyez également : F. Grevisse et H.-O. Hubert, « Mettre de l’énergie dans le social. Le métier d’accompagnateur énergie », Les Cahiers de la Recherch’Action (publication de la Fédération des Services Sociaux), mai 2015, 24 p.
[3] Les Echos du Logement, n°121, novembre 2017, pp. 23 et s. : http://lampspw.wallonie.be/dgo4/tinymvc/apps/echos/views/documents/echos/176_revue_n121_def_web.pdf