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COMMUNIQUE DE PRESSE – Démantèlement du tarif social pour les bénéficiaires du statut BIM : une mesure désespérante

Mis à jour le : 13/03/2023

Communiqué de presse rédigé le 9 février 2023 et publié sur le site rtbf.be

Depuis la rédaction de ce communiqué, la méthode et les délais concernant la fin du tarif social élargi ont été revus. La mesure sera finalement maintenue à 100% jusqu’au 30 juin 2023. Les ménages ayant le statut BIM octroyé sur la base de leurs revenus perdront donc le bénéfice du tarif social en une fois, à partir du 1er juillet. Leur fournisseur devra leur proposer la formule tarifaire la plus avantageuse, mais nous leur conseillons de prendre contact avec Infor GazElec afin de déterminer le contrat le plus avantageux.

La décision du gouvernement de ce 6 février 2023 de ne plus octroyer le tarif social « gaz et électricité » aux personnes bénéficiaires de l’intervention majorée (statut BIM) est une grave atteinte à la lutte contre la précarité énergétique. Des milliers de ménages qui, grâce à cette mesure de protection, se maintenaient de justesse au-dessus du seuil de pauvreté risquent de se voir propulsés sous celui-ci, à cause de l’augmentation soudaine de leurs factures d’énergie.

À titre d’exemple, et pour une illustration concrète, le consommateur moyen bruxellois qui perd le droit au tarif social verra sa facture annuelle d’électricité passer de 1.071 € à 1.176 €. Pour le gaz, elle passera de 673 € à 1.739 €. Sa facture mensuelle pour les deux énergies s’élèvera donc à 242 € au lieu de 145€. Ces estimations se basent sur les prix de février, en chute par rapport aux mois précédents, faut-il encore que ceux-ci ne s’envolent pas à nouveau. De plus, elles ne valent que si ce consommateur choisit le contrat le moins cher.

Les réductions progressives annoncées (application du tarif social à 75 % pendant le second trimestre 2023 et à 25 % jusqu’au 1er septembre 2023) ne représentent qu’un pansement rudimentaire et ne sont pas à la hauteur du risque majeur pour les ménages concernés. Au 1er septembre 2023, ce sont 400.000 ménages – en difficulté budgétaire pourtant – qui perdront définitivement la protection essentielle qu’est le bénéfice du tarif social « énergie ».

Déjà avant le début de la crise de l’énergie, nos organisations revendiquaient l’élargissement permanent du tarif social à tous les bénéficiaires du statut BIM. Cette recommandation était par ailleurs également portée par la Plateforme de lutte contre la précarité énergétique de la Fondation Roi Baudouin, qui fédère tous les acteurs du secteur de l’énergie (fournisseurs, régulateurs, CPAS, secteur associatif de lutte contre la pauvreté…) des trois régions. Mieux encore, nous souhaitons que ce tarif soit octroyé sur la base des revenus du ménage, et ce de façon automatique, en complément de l’octroi actuel sur la base de statuts sociaux.

Nous pensons en effet que le tarif social ne doit pas être vu comme une mesure ponctuelle pour faire face à des crises successives, mais bien comme une mesure structurelle d’aide ciblée aux ménages précarisés pour leur permettre d’avoir accès à ce droit fondamental qu’est l’énergie. Il s’agit donc de s’assurer que les ménages puissent continuer à mener une vie digne, au regard de l’augmentation des coûts des autres postes de leur budget (loyer, alimentation, mobilité, etc.).

Les personnes les plus précarisées ont encore moins la possibilité que les autres de faire jouer la concurrence, par manque de temps ou de connaissance. Le tarif social leur garantit un prix régulé, le plus bas du marché, les protégeant de la volatilité du marché. Le tarif social présente d’autres avantages, en comparaison à d’autres mesures sociales qui pourraient être imaginées. Il s’applique sur toute la consommation d’énergie, tenant ainsi compte des besoins énergétiques du ménage sans pénaliser ceux vivant dans des logements à faible performance énergétique. Il s’applique automatiquement, dans toutes les factures et auprès de tous les fournisseurs, réduisant le risque de non-recours. Enfin, il est fixé par le régulateur fédéral. Son montant est donc protégé vis-à-vis des changements budgétaires ou de politique sociale.

Vu les avantages du tarif social, nous demandons au Gouvernement fédéral de rectifier le tir et de pérenniser l’octroi du tarif social à tous les bénéficiaires du statut BIM une fois pour toutes. Cette pérennisation doit impérativement être couplée à des mesures structurelles qui touchent au fonctionnement même du marché de l’énergie : blocage des prix, taxation des surprofits des producteurs, fourniture et production publiques, etc. Autant de possibilités qui permettraient de limiter la responsabilité financière de l’État, qui prend actuellement en charge le coût du tarif social. Les producteurs d’énergie ont engrangé des bénéfices historiques, ils doivent contribuer plus largement à ces efforts. Les aides publiques ne doivent pas servir à financer les actionnaires des entreprises, mais bien à permettre aux ménages qui en ont besoin de sortir la tête de l’eau.

Communiqué de presse rédigé à l’initiative de la CGEE (FDSS, IEB, Infor GazElec, Équipes Populaires, Centre d’Appui Médiation de Dettes)

La liste complète des signataires est disponible ici.

L’avis du CASE : un drame social et une communication chaotique
Les deux agendas différents de sortie du tarif social élargi, annoncés dans la presse à moins de quinze jours d’intervalle, créent de la confusion, tant chez les ménages que pour les institutions en charge d’accompagner les plus précaires d’entre eux. Dès la première annonce, les demandes de clarification de la mesure ont afflué vers les services sociaux. Les organismes chargés d’informer ces derniers ont, par effet de ricochet, dû fournir un travail important de mise à jour des formations, outils et messages à leur encontre… qu’il convient de modifier 15 jours plus tard. Il est compliqué de travailler efficacement dans de telles conditions et la crédibilité des services sociaux auprès de leurs publics risque en outre d’être entachée. Dans le contexte de non-recours aux droits que l’on ne connait aujourd’hui que trop bien, nous insistons sur le besoin de clarté et de prévisibilité des mesures annoncées.
Un autre point préoccupant de cette annonce est la date de fin de la mesure. Les ménages BIM perdront le bénéfice du droit, en une fois, en juillet… en pleine période de congé scolaire donc. En période « normale », ce moment de l’année est déjà particulièrement critique dans les services sociaux qui, eux-mêmes en effectif réduit, doivent souvent faire face à des administrations ou organisations qui tournent au ralenti. Nous craignons que les ménages qui perdent leur droit au tarif social peinent à joindre les services ad hoc s’ils souhaitent obtenir de l’aide ou un accompagnement.
La fin de la mesure est une mauvaise nouvelle, peu importe le moment où elle survient. Mais rappelons tout de même que si certains peuvent penser que la précarité énergétique est plus facile à vivre en été qu’en hiver, et que les ménages concernés pourront réduire leur consommation à cette saison pour compenser la perte du tarif social, ce n’est pas spécialement le cas. D’une part, les ménages précarisés sont ceux qui auront le plus de difficultés à garder une température acceptable dans leur logement – probablement mal isolé – en cas de fortes chaleurs, avec les conséquences que l’on connait sur la santé. D’autre part, il faut tenir compte de l’annualisation des consommations (une diminution de la consommation pendant quelques semaines ne se ressentira peut-être pas sur la facture annuelle, les tarifs n’étant pas appliqués en « temps réel »). On ne s’arrête pas non plus de cuisiner, d’utiliser son frigo ou son chauffe-eau en été… sans application d’un tarif bas, les factures risquent dès lors de peser trop lourd dans le budget déjà serré de ces personnes.