Numéro vert bruxellois : état des lieux de la crise

Publié le: 20/06/2020 - Mis à jour le : 22/06/2020

Pour faire face à la crise, la Région Bruxelles-Capitale a mis en place un numéro vert bruxellois pour les urgences sociales. Un bilan et une analyse des appels reçus du 30 mars au 17 mai donnent une première idée de la crise à laquelle nous faisons et allons faire face. Constats.

Entre le 30 mars et le 17 mai 2020, 1503 appels ont été reçus au numéro vert. Ces 1503 appels ont fait l’objet de 1939 demandes qui ont été encodées dans un journal des appels et réparties entre différentes problématiques à savoir le logement, l’aide alimentaire, les revenus, la santé physique, la santé mentale, les ressources sociales les situations financière/ endettement, es liens familiaux, la justice, le droit des étrangers, les problématiques liées au matériel informatique, à l’handicap/perte d’autonomie, à l’enfance/jeunesse/scolarité, à l’énergie/eau/électricité, à l’emploi/travail/formation, les informations concernant les mesures de confinement, les informations concernant le n° vert, les assuétudes, autres.

Pour chaque appel, une ou des demandes sont formulées par les appelants. Le nombre de demandes est donc logiquement plus élevé que le nombre d’appels.

A partir de ces appels, la FdSS a établit un dossier de presse pour présenter un bilan du n°vert. Réalisée par la cellule Recherch’Action de la FdSS, celle-ci présente une série de constats permettant de comprendre la crise sociale à laquelle nous faisons face.

Nous vous en présentons ci-après les grandes lignes et vous pouvez télécharger la version complète du dossier de presse.

1. Situation financière : pauvreté accrue et nouveaux pauvres

En tout, 19% des 1939 demandes formulées au cours de la période allant du 30 mars au 17 mai concernent spécifiquement les catégories Revenus (RIS-chômage-pension-grapa), Situation financière & endettement, Emploi-Travail-Formation, soit 361 demandes.

Toutefois, il est utile de rappeler que les problématiques Aide alimentaire (une problématique qui concerne, à elle seule, 14,5% des demandes formulées et qui est en constante augmentation), Logement (10% des demandes), Matériel informatique (0,8% des demandes) et Energie (0,7% des demandes) sont, dans la très grande majorité des cas, liées à une situation financière difficile.

Par ailleurs, 24% des appels reçus au numéro vert concernent au moins l’une de ces 3 problématiques (Revus, Situation financière & endettement, Emploi-Travail-Formation), soit près de 1 appel sur 4.

Les difficultés financières rencontrées par les personnes qui appellent le numéro vert ont évolué au cours des semaines et se traduisent de différentes manières :

1. Les demandes d’ordre matériel pour compenser les pertes de revenus sont très fréquentes. Elles concernent principalement trois dépenses incompressibles, à savoir l’alimentation, le logement, les soins de santé.
2. Les revenus actuels des personnes ne suffisent pas (perte de revenus, augmentation de dépenses, diminutions d’aide, revenus de remplacement insuffisants, …).

2. Logement : un manque aigu de logements disponibles

La possibilité de se loger constitue la pierre angulaire d’une société confinée. Lorsqu’il est exigé que « chaque citoyen reste chez lui », le fait de ne pas avoir de chez soi a des conséquences individuelles et collectives. Lorsqu’on vit dehors, outre la mise en danger de sa propre vie en s’exposant à des maltraitances, à la violence, à la dégradation de sa santé physique et mentale, on risque également d’être infecté par le virus et de le propager autour de soi. Le droit au logement démontre dès lors sa fonction sociétale.

10% de l’ensemble des demandes adressées au numéro vert entre le 30 mars et le 17 mai concernent le logement et 13% des 1503 appels reçus impliquent une demande liée au logement.

Le numéro vert pour les urgences sociales reçoit des appels presque quotidiens de personnes qui ne disposent pas de logement ou qui s’inquiètent de le perdre.

Différents cas de figure spécifiques apparaissent :

1. Peu de logements pour des ex-détenus.
2. Des personnes mal-logées/victimes de violences doivent brutalement quitter leur logement.
3. Des personnes sans-abris cherchent des hébergements d’urgence.
4. Des personnes étrangères en transit et sans logement.
5. La peur de perdre son logement.

3. Santé physique : un besoin en médecine générale et en informations claires

Au 17 mai 2020, plus d’un appel sur 10 (11%) et d’une demande sur 12 (8,41%) concernent la santé physique.

55% des demandes concernant la « santé physique » sont adressées par des femmes et 45% par des hommes.

Différentes préoccupations :

1. La difficulté d’accès aux prestataires de soins de santé et aux soins (difficultés à rentrer en contact avec le personnel médical, hypothèse de discrimination en lien avec l’origine raciale et/ou sociale dans le recours aux soins, pharmacies de garde, prolongation des cartes médicales d’urgence …).
2. Prévention, traitement et masques.

4. Santé mentale : des états d’inquiétude, d’angoisse, de souffrance

Au 17 mai 2020, 18% des appels reçus au total impliquent une demande en lien avec les trois catégories suivantes : Santé mentale – Ressources sociales (isolement, liens sociaux, aide) – Liens familiaux (violences conjugales, relations, etc.). 14% des demandes adressées au numéro vert, c’est-à-dire 277 demandes, concernent l’une de ces 3 catégories.

Il apparaît clairement que les femmes sont plus représentées pour ce type de demandes. Pour 75% des demandes qui concernent les « liens familiaux (violences conjugales, relations, etc.) », il s’agit de femmes. Pour les « ressources sociales (isolement, liens sociaux, aide) », 67% des demandes sont adressées par des femmes. Concernant la « santé mentale », 64% proviennent de femmes. De manière générale, entre le 30 mars et le 17 mai, 53% des appels reçus au numéro vert viennent de femmes.

Différents types d’appels/demandes:

1. Les personnes dont la santé mentale est plus fragile et/ou qui vivent en institution vivent difficilement les mesures de confinement.
2. Les personnes âgées, des personnes handicapées, des familles dont un des membres porte un handicap, sont particulièrement isolées.
3. L’hospitalisation et le deuil des proches causent des stress majeurs.
4. Des tensions émergent entre les personnes partageant le même logement.
5. L’utilisation du matériel informatique et la numérisation des services génèrent de l’angoisse.
6. Les mesures de confinement et leur caractère flou créent de l’inquiétude.
7. Des professionnels sont en souffrance (travailleurs exposés en première ligne épuisés, « usés » par la pression et l’intensité des dernières semaines de travail).

5. Des droits non-effectifs : difficultés majeures pour les personnes dans le recours aux droits

On constate, au travers des appels reçus au numéro vert, des difficultés majeures dans le recours aux droits. Cette entrave aux recours aux droits se traduit de différentes manières :

1. Des personnes et des catégories de publics continuent à être exclues des droits économiques et sociaux fondamentaux (personnes en procédure de régularisation/en situation irrégulière, travailleurs au noir, artistes).
2. Les recours en justice sont perturbés.
3. Certains services sont inaccessibles et leur accès est compliqué par la numérisation de la quasi (totalité) de leurs services.